Lynda Lemay — Les Pouses

C’est d’les voir, les Г©pouses
Avec leur peau fanГ©e
Avec leurs doigts zГ©brГ©s
De diamants et d’or blanc

C’est d’les voir s’appliquer
A chercher les lumiГЁres
TamisГ©es et Г faire
Des sourires figГ©s

C’est d’les voir, les Г©pouses
Qui, de moins en moins belles
Virent jalouses et n’inspirent
Qu’un dГ©sir mensuel

C’est d’les voir se froisser
A p’tit feu, Г p’tits plis
Les traits longs, les pores creux
Les mentons deux par deux

C’est d’les voir accrochГ©s
Aux vestons d’leurs maris
Diplomates et gentils
Qui les sortent le sam’di

Qui n’omettent la cravate
Que pour se mettre au lit
Qui s’endorment Г la hГўte
AssommГ©s par l’ennui

C’est d’les, voir les Г©pouses
Avec leurs seins rassis
Comme du pain oubliГ©
Dans le coin d’un Г©vier

C’est d’les voir, ces pauvresses
Qui ont gardГ© sur les hanches
Sur le ventre et les fesses
Quelques tranches de grossesse

C’est d’les voir, les Г©pouses
Avec leur sac Г main
Toujours gros, toujours plein
De photos d’leurs gamins

C’est d’les voir, les soumises
S’effacer, se rГ©soudre
A n’servir qu’Г recoudre
Un bouton de chemise

C’est d’les voir, les Г©pouses
Sacrifier de longues heures
A attendre qu’un coiffeur
Ait teintГ© leurs ch’veux blancs

Ce trop d’sel dans le poivre
Qui, pour elles, est si grave
Et qui est injustement
Au masculin, charmant

Pour quelle raison voudrais-je
Partager leur teint beige
Imiter ce portrait
Pitoyable que j’en fais

Je n’veux pas ressembler
Au commun des visages
Et porter le parfum
Des victimes du mariage

Je n’veux pas, par amour
Perdre pied comme une quille
Et tomber en famille
Et dev’nir un boulet

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